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Jeudi 13 mars – Dimanche 30 mars

LEMNA

Mathilde REYNAUD

Salle Gaillard, 2 rue Saint Pierre

Horaires d’ouverture :
Du mardi au samedi de 13h à 19h
Le dimanche de 14h à 18h

En accès libre

L’œuvre :

Dans une atmosphère suspendue, deux naturalistes observent le monde végétal à l’ère du digital. Elles suggèrent l’histoire de botanistes anglaises et américaines du XIXe siècle. Elles portent l’histoire de ces femmes émancipées, celles passées et celles à venir.

Leurs dialogues nés de l’étude des plantes s’entremêlent avec un langage technique de la pratique des logiciels 3D ; ils font émerger une sensibilité commune entre ces pratiques scientifiques et numériques, sous le signe de l’empowerment féministe.

Au fil de leurs échanges, Matilda 1 et Matilda 2 sont contaminées par une fluidité verte dans leurs pensées. Guidées vers les profondeurs des marais par des images de synthèse, elles fondent leur corps dans un environnement étrange et luminescent.

L’artiste :

Mathilde Reynaud, née en 1994, vit et travaille à Lyon (Rhône, France).

Sa recherche se déploie autour de l’image de synthèse 3D et des médiums qui s’y rattachent, comme le jeu vidéo, la réalité augmentée, la vidéo. En tant que femme, elle aborde cette technique numérique comme une forme d’empowerment.

Son travail se construit sur la façon dont nous pouvons tisser des liens avec les environnements qui émergent de différents médiums virtuels ainsi que les écosystèmes qu’ils nous permettent d’aborder.

À travers ceux-ci, elle tente de construire des discussions entre ces possibles qui coexistent entre réel et virtuel. Notamment à travers le développement de récits, de fabulations, d’autres formes de science-fiction, qui se lient au vivant, à l’altérité, au quotidien que compose notre présent.

PORTAIT D'ArtistE :

Pour en savoir plus...

Propos recueillis par Fanny Bauguil (professeure relai à VIDEOFORMES) et Manon Derobert (chargée de communication pour VIDEOFORMES)

 

  • Comment décririez-vous cette installation ? Que voit-t-on ? Qu’entend-t-on ? Qu’y fait-t-on ?

L’installation est constituée d’un film en couleur de 13min. C’est un fichier numérisé d’un film 16mm pellicule.

 

  • De quoi ça parle ?

Dans une atmosphère suspendue, deux naturalistes observent le monde végétal à l’ère du digital. Elles suggèrent l’histoire de botanistes anglaises et américaines du XIXe siècle. Elles portent l’histoire de ces femmes émancipées, celles passées et celles à venir.

Leurs dialogues nés de l’étude des plantes s’entremêlent avec un langage technique de la pratique des logiciels 3D ; ils font émerger une sensibilité commune entre ces pratiques scientifiques et numériques, sous le signe de l’empowerment féministe.

Au fil de leurs échanges, Matilda 1 et Matilda 2 sont contaminées par une fluidité verte dans leurs pensées. Guidées vers les profondeurs des marais par des images de synthèse, elles fondent leur corps dans un environnement étrange et luminescent.

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Lemna est un court métrage expérimental qui fait converger observation scientifique et pratique de la modélisation 3D dans un élan qui tisse nature, écosystèmes, féminisme, altérité dans une connivence poétique.

Il explore la nature de l’image de synthèse en établissant un dialogue entre la pratique d’observation des naturalistes et la modélisation 3D contemporaine. Dans une atmosphère suspendue, deux naturalistes observent le monde végétal à l’ère du digital. Elles suggèrent l’histoire de botanistes anglaises et américaines du XIXe siècle ayant redéfini l’observation du vivant par une approche à la fois scientifique et poétique. Elles portent l’histoire de ces femmes émancipées, celles passées et celles à venir.

Le film met en scène deux actrices prénommées Matilda, faisant référence à l’effet Matilda, ce phénomène d’invisibilisation des femmes dans la science. Leur parcours les plonge progressivement dans un paysage de marais, un écosystème qui incarne la transition entre différents milieux, avec lequel elles finissent par se confondre.

À mesure qu’elles observent et interagissent avec les plantes, une transformation s’opère, suggérant une relation plus intime et symbiotique avec le vivant. En développant une approche qui fait place à l’altérité, ces femmes ont développé une vision qui permet aux vivants de n’être plus seulement le décor de nos existences. Elles ont cherché des manières d’exister et de cohabiter avec ces formes de vie. Plus encore, devient possible le fait « d’entrer en relation avec eux, en tant qu’ils partagent avec nous un temps et un territoire communs — une vie commune »1.
Le film illustre cette ouverture vers l’altérité, cette capacité à observer et à comprendre le vivant différemment. C’est une approche qui, par une compréhension fine de l’altérité, permet de se projeter dans le regard de ces formes de vie et de percevoir leur environnement à travers leur point de vue. Dans cette perspective, le milieu humide et sombre du marais, par exemple, devient si attrayant pour elles.

Leurs explorations se traduisent dans l’évolution de la lumière du film : la lumière commence claire et lumineuse, puis évolue vers une golden hour quand elles étudient plus profondément
la structure des plantes, et enfin vers une blue hour lorsqu’elles adoptent le point de vue des fougères et choisissent de s’immerger dans cet écosystème aqueux. Le corps des actrices se fait aussi flou lors du dernier dialogue, pour accompagner leur transformation et leur fusion avec la végétation environnante.

Leurs dialogues, nés de l’étude des plantes, se mêlent à un langage technique de la modélisation 3D, créant ainsi une sensibilité commune entre ces pratiques scientifiques et numériques, sous le signe de l’empowerment féministe.

La dernière image du film symbolise la contamination du corps humain par les fougères. L’image de synthèse 3D permet de suggérer des formes en devenir, en mutations constantes : régénérations, développements ramifiés et hybridations possibles. Cela évoque une métamorphose de l’humain vers d’autres devenirs, dans un monde où l’humain et la nature se redéfinissent ensemble.

Le titre, Lemna, évoque la lentille d’eau qui devient un symbole central, liant l’histoire de groupe, de transmission d’expérience et de sororité entre les femmes.

Faire écho à un imaginaire qui appelle les femmes à travers l’histoire scientifique, naturaliste et numérique (où leurs places sont encore précaires), c’est aussi « donner la visibilité à cette lignée de femmes, c’est contribuer à activer la possibilité pour les femmes aujourd’hui de s’emparer plus volontiers de cette pratique et de ce rapport au vivant »2.

En mettant en résonance les perspectives des naturalistes et celles de la création numérique à travers une vision non anthropocentrée, Lemna redéfinit les imaginaires liés à la nature et à la technologie.

1, 2. Estelle Zhong Mengual, Apprendre à voir : le point de vue du vivant, Éditions Actes Sud, Arles, France, juin 2021

 

  • Est-ce la première fois que cette installation est présentée au public ? Pouvez-vous nous parler un peu du processus d’élaboration de l’oeuvre pour en arriver à ce résultat ?

Lemna a déjà été présenté à l’exposition Panorama 25 au Fresnoy – Studio National des arts contemporains (Tourcoing), à Pléiades 2024 (Saint-Étienne), au festival Afropixel 2024 (Dakar), et au festival Labocine en ligne Science New Wave Festival 2024.

Pour élaborer cette œuvre, je suis passée par les phases classiques de la production de film en France. J’ai d’abord écrit un synopsis, accompagné des dialogues. Avec une cheffe décoratrice, nous avons dessiné les décors, que nous avons ensuite construits sur un plateau de tournage. J’ai ensuite réalisé un tournage avec une équipe (cheffe opératrice, assistante réalisatrice, assistant caméra, chefx électro…). J’ai réalisé la majorité des scènes 3D, avec l’aide (pour trois scènes) d’un graphiste VFX. Ensuite, j’ai réalisé le montage du film avec un monteur. La partie son a débuté à la fin du montage, avec la création des ambiances sonores du film, des bruitages et du sound design (la musique que l’on peut entendre durant le film). À la fin de toutes ces étapes, nous avons réalisé un kinescopage : nous avons filmé, à l’aide d’une caméra pellicule 16 mm, un écran qui diffusait le film, afin d’obtenir ce rendu granuleux de la pellicule et de mélanger les images 3D et réelles. Les deux dernières étapes de réalisation sont l’étalonnage et le mixage du film.

 

  • Quels sont les artistes (tous domaines confondus) ou plus généralement, les formes artistiques qui nourrissent votre démarche de création, et éventuellement, les références auxquelles vous faites allusion dans cette installation ?

Les grandes références théoriques qui ont nourri le film sont Donna Haraway, Ursula Le Guin pour leur vision de la manière dont on fabrique des fictions, Iris Brey sur la construction du regard féminin dans le cinéma et dans l’image, et Estelle Zhong Mengual, qui a été une référence majeure pour ce projet, car j’ai pu découvrir la pratique des femmes naturalistes anglaises et américaines du 19e siècle. Enfin, la botaniste Robin Wall Kimmerer, qui parle de la façon dont on peut aborder la bryologie et s’intéresser à des espèces de plantes différentes tout en convoquant un regard qui n’est pas celui de l’Occident, blanc et impérialiste.

Les références artistiques de ce projet ont été alimentées par les travaux de Sophia Oppel, qui fait un travail très intéressant sur le texte sonore. Par rapport au texte, il y a aussi l’opéra Einstein on the Beach de Robert Wilson et Philip Glass, qui présente une relation à la construction de la langue anglaise et à une forme grammaticale très poétique. Je pense également au travail vidéo de Fabien Giraud et Raphaël Siboni, ainsi qu’à celui de Sabrina Ratté.

 

  • Quelles sont les difficultés, les contraintes, les défis à relever… rencontrés lors de son élaboration ?

La création de l’environnement du film, des décors, a été particulièrement difficile. Il fallait arriver à trouver une ambiance qui fasse écho à la nature, mais qui fasse également référence aux environnements virtuels (jeu vidéo…) et au fond vert de cinéma, pour évoquer notre rapport à la nature, qui est aussi artificiel, sans s’opposer aux images de nature créées en 3D. C’était justement l’un des nœuds du sujet du film : parler de mon regard sur la végétation et de l’étude très fine des textures des feuilles, des fleurs que j’opère pour pouvoir les créer en 3D. Et dans la lignée des femmes naturalistes anglaises et américaines du XIXe siècle, cette pratique m’a énormément rapprochée du vivant et m’a aidée à comprendre ces autres formes altérités. Dans le film, les images numériques deviennent un élément visuel qui contamine progressivement la pensée des deux naturalistes et les amène à se fondre dans la nature « réelle ».

 

  • Pouvez-vous nous indiquer une ou plusieurs adresses internet où l’on peut voir votre travail ?

https://www.mathildereynaud.com/allprojets/lemna

 

  • Quelques mots-clés qui s’accommoderaient bien à votre installation ?

3D, plantes, végétation, altérité, féminisme, « female gaze », femme derrière la camera, écoféminisme.

 

  • Quelques mots sur votre parcours artistique ? A quelle période de votre vie vous êtes-vous interessé-e à l’art numérique ? Arrivez-vous à vivre de votre activité créatrice ?

J’ai débuté mon parcours artistique à la faculté d’arts plastiques de Saint-Étienne, où j’ai suivi mon premier cours de programmation. Je me suis ensuite intéressée à l’image de synthèse 3D en autodidacte. C’est à l’École d’art et de design de Saint-Étienne que j’ai pu poursuivre cette pratique et explorer les différents médiums qui en découlent, comme la vidéo, le jeu vidéo, etc. Ça a été un tournant dans ma pratique de découvrir le numérique et les problématiques qui en découlent. Je l’aborde toujours comme une forme d’empowerment, avec un regard féministe, qui n’est jamais frontal, mais qui imprègne les projets que je mène.

Pour l’instant, je n’arrive pas encore à en vivre, mais je parviens à trouver du travail dans la création d’images de synthèse 3D pour d’autres projets artistiques, notamment des films.

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